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Le Giornate del Cinema Muto, sélection du festival de Pordenone 2025

Du  29/10/25  au  18/11/25 



Le Giornate del Cinema Muto, sélection du festival de Pordenone 2025


Bien que le programme de Pordenone à Paris ne puisse refléter pleinement la diversité des films projetés lors des Giornate del Cinema Muto en octobre, il offre néanmoins l'occasion de découvrir des titres représentatifs issus de huit sections, pour la plupart inconnus même des cinéphiles passionnés de cinéma muet. De nouvelles restaurations font revivre des chefs-d'œuvre oubliés, et des mélodrames captivants permettent au public contemporain de découvrir la grande actrice Italia Almirante Manzini. Nous voyageons de Kiev à Rio de Janeiro, de Bruxelles à Shanghai à travers des histoires d'amour, des thrillers, des comédies, des symphonies urbaines et de délicieuses adaptations littéraires. Comme toujours, l'objectif de la conception d'un programme aussi complexe n'est pas seulement de faire découvrir les beautés de cette forme d'art à de nouveaux publics, mais aussi de souligner les liens entre le passé et le présent en attirant l'attention sur la nature fluctuante, plutôt que linéaire, des changements sociétaux.


Dans les années 1920, les films pour enfants constituaient un exutoire essentiel pour la créativité des réalisateurs ukrainiens, censés endoctriner les jeunes d'idéologie soviétique. Cependant, entre les mains de cinéastes inspirés, ces petits bijoux ont trouvé le moyen d'atténuer la propagande grâce à des personnages charismatiques et turbulents dont l'héroïsme est motivé par des relations personnelles plutôt que par l'idéologie dictée par l'État. Les Aventures d'un sou (1929) est considéré comme le meilleur film du genre. Réalisé par Axel Lundin, il témoigne d'une maîtrise des techniques d'avant-garde et d'une superbe direction d'acteurs, jeunes et moins jeunes. Toujours en Ukraine, on trouve également la passionnante « symphonie urbaine » rarement vue Essais sur la cité soviétique (1929), tournée à Kharkiv et réalisée par Dmytro Dalskyi.


L'une des plus grandes rétrospectives du festival cette année était consacrée à Italia Almirante Manzini, une artiste qui a su trouver l'équilibre entre son statut emblématique de diva du cinéma italien et son talent exceptionnel d'actrice. Dans L'Innamorata (1920), elle incarne une mondaine sensuelle et hédoniste, tandis que dans La piccola parocchia (1923), adapté du roman d'Alphonse Daudet, elle joue le rôle d'une épouse malheureuse séduite par un aristocrate sans scrupules. Plus tard dans la même année, elle joue dans ce que beaucoup considèrent comme son plus grand film, L'Ombra, dans lequel, selon le quotidien La Nation Belge, elle trouve « un rôle digne de son beau talent ».


Parmi les nouvelles restaurations, trois titres se distinguent. La Bruyère blanche (1919) de Maurice Tourneur a été décrit par Ciné pour tous comme « un chef-d'œuvre de réalisation et de photographie » et peut se targuer non seulement d'une séquence sous-marine révolutionnaire, mais aussi de la présence toujours appréciée d'un jeune John Gilbert. Dans La Dame au masque (1928) de Wilhelm Thiele, Arlette Marchal incarne une aristocrate appauvrie contrainte de gagner sa vie en exhibant son corps dans une revue théâtrale. La critique du regard masculin qu’offre le film semble remarquablement contemporaine. Tout aussi moderne dans son ton, Hors du Gouffre (1924) aborde le thème de la dépendance, filmé par Lucien Andriot et mis en valeur par les performances émouvantes de George O'Brien et de Dorothy Mackaill. La revue Hebdo-Film l'a, à juste titre, déclaré « l'un des plus beaux films que le cinéma américain nous ait donnés », mais il est resté invisible pendant des décennies.


Peu d'histoires peuvent rivaliser avec Cyrano de Bergerac en termes d'émotion, et la version d'Augusto Genina, avec Pierre Magnier dans le rôle-titre, est encore rehaussée par de superbes couleurs dont la richesse tonale a été remise en valeur grâce à une superbe restauration. La douce comédie italienne La Gerla di Papà Martin (1923) est également basée sur une pièce française, Les Crochets du Père Martin d'Eugène Cormon et Eugène Grangé. Curieusement, malgré ses origines, l'œuvre originale n'a jamais été adaptée en France, mais a été reprise trois fois en Italie.



La puissance du Torpillage de l’Oceania (1917) était telle qu’il continua à être projeté en France plusieurs années après sa sortie, malgré l’idée reçue selon laquelle les films sur le thème de la guerre étaient dépassés. Rien n'était plus moderne que le surréalisme, et les Belges étaient les chefs de file de ce mouvement, y compris dans le cinéma, comme le montre notre programme de films d'avant-garde belges. Pour apprécier la manière dont le mélodrame peut être remis au goût du jour afin de nous captiver par son émotion, ne manquez pas le classique chinois Amour et Devoir (1931), présenté dans notre section Canon Revisited dans une magnifique copie fournie par l'Institut du film et de l'audiovisuel de Taïwan. Les Lois de l'hospitalité (1923) de Buster Keaton est un plaisir éternel, et le voir sur grand écran nous permet d'apprécier pleinement son approche innovante de la comédie. Enfin, nous sommes ravis de présenter La Capitale du Brésil, un magnifique récit de voyage datant de 1931 qui suscitera une vive saudade chez ceux qui connaissent Rio de Janeiro, mais même pour ceux qui n'ont jamais foulé le sable de la plage de Copacabana, ce film époustouflant est le moyen idéal pour méditer sur le passé et le présent.   


Jay Weissberg

Directeur des Giornate del cinema muto, Pordenone



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