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Séance

"Conrad in Quest of his Youth", William de Mille, 1920 (1h16)


Conrad in Quest of his Youth

1920 - 1h16

États-Unis


Réalisation : William C. De Mille

Scénario : Olga Printzlau

Photographie : L. Guy Wilky et Chef décorateur : Wilfred Buckland

Production : William C. De Mille, Famous Players-Lasky Corporation

Avec : Thomas Meighan, Mabel Van Buren, Mayme Kelso, Bertram Johns, Margaret Loomis, Sylvia Ashton, Kathlyn Williams, Charles Ogle, Ruth Renick, A. Edward Sutherland, Clarence Burton, Bertie Johns

À 37 ans, Conrad gagne beaucoup d'argent et commence à se demander pourquoi sa vie ne possède plus ni la joie ni la spontanéité de sa jeunesse. Convaincu qu'il peut retrouver cette époque révolue, il prend contact avec des cousins et rend visites à ses premiers amours. C'est alors qu'il rencontre une autre personne qui se languit d'un passé révolu, l'ancienne actrice Rosalind, devenue comtesse de Darlington.


Format de la copie : DCP

Provenance de la copie : Library of Congress


Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP)


« Pendant la grippe, j’ai trouvé une grande consolation dans les œuvres de Leonard Merrick », déclarait Virginia Woolf à son ami Saxon Sydney-Turner en février 1918, à peu près au moment où elle rédigeait une critique pour le Times Literary Supplement (04/07/1918) de deux romans réimprimés de Merrick. « Voici, de toute évidence, un romancier doté d'esprit », écrivit-elle, « d'une légèreté de touche, d'une intelligence sensible et rapide, et de la tournure d'esprit nécessaire pour donner à son œuvre un caractère unique et propre... Le succès de Conrad in Quest of his Youth réside dans le savant équilibre entre douceur et amertume, entre romantisme et réalité ». James M. Barrie le proclama « romancier des romanciers », quand George Orwell, dans un essai inédit de 1945, affirmait que « le refus constant de Merrick de voir le bon côté des choses là où il n'y en a pas » devait être lié à « son impopularité ».

Malgré ces distinctions, Merrick, ancien acteur, n'a jamais vraiment trouvé sa place parmi les lecteurs, mais quiconque lira son neuvième roman, Conrad in Quest of his Youth, pourrait devenir un converti. Le livre raconte l’histoire d'un homme de 37 ans qui gagne beaucoup d'argent et qui commence à se demander pourquoi sa vie ne possède plus ni la joie ni la spontanéité de sa jeunesse. Convaincu qu'il peut retrouver cette époque révolue, il prend contact avec des cousins avec lesquels il passait l'été, louant la même maison pour qu'ils puissent redevenir des enfants. Il s’agit d’une tentative absurde de se sentir à nouveau jeune, aussi pathétique que ses visites à ses premiers amours, dont l'une, Mary Page, est devenue une petite bourgeoise, et l'autre, Mme Adaile, une personne beaucoup plus sage et mûre que Conrad ne pourra jamais l'être. C'est alors qu'il rencontre une autre personne qui se languit d'un passé révolu, l'ancienne actrice Rosalind, devenue comtesse de Darlington. Une histoire d'amour s'ensuit.

En réalité, le personnage de Conrad de Merrick est un imbécile, et Merrick le sait. Pourtant, le roman captive, et ce ne sont pas seulement les lecteurs nostalgiques de leur enfance qui se trouveront en sympathie avec les personnages. Olga Printzlau s'appuie sur ce sentiment dans son scénario pour la merveilleuse version cinématographique de William de Mille, et si de nombreux critiques de l'époque déploraient que l'adaptation à l'écran ne soit pas entièrement fidèle au roman, la plupart en reconnaissaient les mérites et la beauté. En effet, avec Miss Lulu Bett (1921, projeté aux Giornate de 2021), Conrad in Quest of his Youth est peut-être le meilleur film de Mille parmi ceux qu'il a conservés. L'accent qu'il met sur les personnages plutôt que sur l'intrigue s'accorde parfaitement avec les récits parfois décousus de Merrick, et chaque scène respire avec un rythme paisible mais perspicace.

Thomas Meighan, un acteur dont l'apparence anodine dissimule une émotion contenue, était à son meilleur avec de Mille (ils ont tourné sept films ensemble), et il est exactement ce qu'il faut pour Conrad, qui « acquiert puis perd à plusieurs reprises la connaissance de lui-même au cours de sa recherche des joies de son passé » (William Baker, Jeanette Roberts Shumaker, Leonard Merrick. A Forgotten Novelist's Novelist, 2009).

Le choix de Kathlyn Williams, une ancienne star de série s’étant tournée vers des rôles plus matures, est également excellent. Dans le rôle de Mme Adaile, une femme mariée et sophistiquée qui a donné son premier baiser à Conrad lors de ses dix-sept ans, elle est l'incarnation d'une adulte consciente d'elle-même, momentanément entraînée dans la folie de croire qu’il est possible de retrouver sa jeunesse. L'une des meilleures scènes du film est celle où elle arrive dans sa chambre d'hôtel après avoir accepté un rendez-vous nocturne de Conrad, pour le trouver endormi. « Conrad, mon ami, tu es amoureux d'un souvenir, pas de moi », lui disait-elle auparavant, avant de se permettre d'espérer qu'au moins pour une nuit, elle pourrait être cette femme qui a séduit un adolescent. Lorsqu'elle le trouve endormi dans son fauteuil, elle se sent blessée et en colère, mais ensuite, parce qu'elle est bien plus mature que Conrad, elle rit d'elle-même et lui laisse un mot : « Il n'existe aucun chemin pour revenir à dix-sept ans ». Le « you can't go home again » de Thomas Wolfe (« Tu ne pourras plus jamais revenir à la maison ») ne l'a pas mieux dit.

Dans le roman, Merrick soulevait l'ire des puristes de la morale américaine car Conrad cherchait à séduire deux femmes mariées. Printzlau a donc supprimé toute mention de M. Adaile ou du comte de Darlington (il convient de noter que, selon Mitchell Leisen, décorateur du film, Printzlau elle-même, deux fois divorcée, avait une liaison avec M. de Mille, qui était marié). Conrad in Quest of his Youth fut un succès critique, mais il est difficile d'évaluer son succès au box-office. Gladys Bollman, dans Educational Film Magazine (01/1921), l'a qualifié de « l'un des rares films qui plaira à un public vraiment sophistiqué », mais les exploitants de petites villes ont été profondément déçus, comme E. J. O'Hara d'Elgin, Nebraska (population d'environ 850 habitants), qui écrit, dans Exhibitors Herald (08/12/1923), « il n'y a absolument rien à voir ». La critique la plus remarquable est peut-être celle de Marcel Achard, en France : « Voici le premier film américain qui prouve que la guerre a eu sur les âmes américaines une répercussion profonde ». (« La Montée du Passé », Le Peuple, 02/07/1922).

- Jay Weissberg



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