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FONDATION JÉRÔME SEYDOUX-PATHÉ

Séance

"The Fox", Robert Thornby, 1921 (1h32)


Harry Carey : « L’une des premières étoiles du western »


À la mi-mars 1919, Dorothy Day, critique de cinéma au Des Moines Tribune, mettait en garde : « Enseignants, si vos salles de classe se sont dernièrement révélées étonnamment vides, n’en soyez pas surpris : Harry Carey, l'une des plus grandes idoles du cinéma, est venu nous rendre visite. » Il s'agissait à l’époque de l'une des nombreuses apparitions personnelles de Carey en ville, et Day elle-même s’était attachée à lui, le considérant comme un « type plutôt normal », et le décrivant dans des termes qu'elle imaginait employés par la jeune génération. « Carey n’a rien d’un vulgaire "mec", » écrivait-elle ainsi. « Il fait son apparition, vêtu de son énorme sombrero noir, d'une chemise en laine à carreaux verts et noirs et de bottes de cow-boy ordinaires. Il mâche du chewing-gum et parle exactement comme on aurait pu l’imaginer. Sa voix est grave et, bien sûr, exactement comme à l'écran. Son visage est basané, ses cheveux châtain clair sont aussi souvent ébouriffés que coiffés et il se caresse le menton avec son pouce lorsqu'il est perplexe, comme il le fait dans ses films. »

Deux ans plus tard, dans le Chicago Tribune, Mae Tinée, pourtant loin d'être une fan des cow-boys stars, avouait : « J'aime le visage allongé de Harry Carey. J'aime sa façon facile et indifférente de se faire comprendre. J'aime la façon dont il s'habille, la façon dont il monte à cheval, la façon dont il marche et ce sourire aux lèvres serrées qu'il utilise si rarement. Le héros de western de luxe, c'est lui. Harry Carey. »

Il n'est pas surprenant que même deux femmes de la presse écrite aient pu le considérer comme aussi populaire, même à la grande époque de William S. Hart et Tom Mix, ses rivaux.

Pourtant, il fallut à Carey (1878-1947) un peu plus de temps qu'à Hart pour devenir une star. Fils d'un avocat réputé également directeur d'une entreprise de machines à coudre dans le Bronx, Carey, fraîchement diplômé d'une académie militaire, s'inscrit d’abord à l'université de New York pour étudier le droit. Contractant une pneumonie à la suite d'un accident de bateau, il écrit, pendant sa convalescence, une pièce intitulée Montana, qui raconte « avec les couleurs vives de la vie, une romance du grand Nord-Ouest ». Carey prend ensuite la tête d'une compagnie de théâtre et s’affiche lui-même dans le rôle principal de sa propre pièce, qui, pendant trois ans au milieu des années 1900, génère de bons bénéfices. Mais une deuxième pièce se déroulant au Klondike, Heart of Alaska, connaît un échec cuisant, le laissant dans une situation financière précaire. En 1911, il rejoint ainsi la société de production Biograph, avec l’aide de Henry Walthall. Au cours des trois années suivantes, il joue de nombreux rôles secondaires, souvent en tant que gangster, dans les films de D.W. Griffith, et devient suffisamment connu pour signer avec Universal en 1915. Travaillant avec le producteur-réalisateur Francis Ford, Carey joue d'abord dans une série de westerns à deux bobines, ce qui lui permet de créer sa propre unité de production et de développer le personnage de « Cheyenne Harry » (initialement l'un des personnages secondaires de sa pièce Montana) dans une douzaine de westerns à deux et trois bobines, parfois à partir de ses propres scénarios.

À partir de Le Ranch Diavolo (1917), tous ses films deviennent des longs métrages réalisés par Jack Ford, souvent avec Hoot Gibson comme acolyte et Olive Golden comme amante (elle deviendra sa troisième femme). Il commence alors à adopter plusieurs gestes caractéristiques : assis sur un cheval, semi-allongé, les bras appuyés sur la corne de la selle, il laisse subtilement un doigt ganté gratter son menton pour exprimer la perplexité ou l'amusement, un quart de sourire crispé, un regard froid encapuchonné, un bras croisé agrippant l'autre au niveau du coude. Au cours des années suivantes, Ford et Carey s'associent pour une série de westerns exceptionnellement réussie, publiée comme l'une des plus grandes marques d'Universal. Le plus intrigant est peut-être le film perdu Le Cavalier fantôme (1918), dans lequel la bande de cavaliers masqués et vêtus de blanc d'un éleveur de bétail malfaisant rappelle les cavaliers du Ku Klux Klan dans Naissance d’une nation de Griffith. À cette époque, Carey, qui dépeint « le cow-boy tel qu'il est vraiment », gagne 1 250 dollars par semaine, ce qui fait de lui l'une des vedettes de western les mieux rémunérées.

Lorsque Ford quitte Universal pour la Fox en 1920, Carey continue à tourner des westerns avec d'autres réalisateurs de la société. Lorsque Universal décide de faire de Hoot Gibson sa principale vedette de western, Carey tourne un dernier film, Man to Man (1922), puis continue à jouer dans des westerns pour d'autres sociétés, notamment Satan Town (1926) de Pathé, qui rend hommage au classique de Hart, Le Justicier (1916). Lors de la transition vers les films sonores, Carey et Olive tournent brièvement sur les scènes de vaudeville, mais rapidement, la voix qui correspond si bien à son personnage l'amène à jouer les premiers rôles de personnages de films parlants. M-G-M tente alors sa chance en faisant jouer Carey dans Trader Horn (1931), qui remporte un tel succès que l’acteur devient rapidement une star des westerns B. Il continue néanmoins d'apparaître dans des seconds rôles de films de série A, notamment dans Je n'ai pas tué Lincoln de Ford, et obtient une nomination aux Oscars pour son rôle de sénateur dans Monsieur Smith au Sénat (1939) de Frank Capra. Il joue également un rôle crucial en tant que chef d'équipage d'un B-17 dans Air Force (1943) d'Howard Hawks. Dans Le Retour du proscrit (1941), Carey se lie avec John Wayne, et s’associe avec celui qu’on surnomme alors le Duc dans d'autres films, notamment dans La rivière rouge (1948) de Hawks, qui met également en scène son propre fils, Harry Carey Jr.

Après la mort de Carey en septembre 1947, Ford lui consacre Le Fils du désert (1948), remake de son film Les Hommes marqués (1919), et confie l'un des rôles principaux à son fils, Harry Carey Jr. Au début du film, Ford fait l'éloge de Carey, qu'il qualifie de « l’une des premières étoiles du western ». Un dernier hommage lui est rendu dans La Prisonnière du désert (1956) de Ford, lorsque Wayne adopte un geste caractéristique de Carey en tenant son avant-bras gauche avec sa main droite, et lorsque, cadré dans l'embrasure de la porte à la fin, il s'éloigne de la femme qu'il a aimée et perdue, interprétée par Olive Carey.

- Richard Abel



The Fox

1921 - 1h18

États-Unis


Réalisation : Robert Thornby et Hubbard d’après une histoire de Harry Carey

Photographie : William Fildew

Production : Universal-Jewel

Avec : Harry Carey, Breezy Jr Eason, George Nichols, Johnny Harron, Betty Ross Clarke, Gertrude Claire, Gertrude Olmstead, Alan Hale, George Cooper, Charles Le Moyne, C.E. Anderson, Harley Chambers

Sous l'apparence d'un clochard, Santa Fe débarque dans une petite ville perdue au milieu du désert, au moment où un juge reproche au shérif Fraser de ne pas en faire assez pour lutter contre le gang des Painted Cliffs. Après une altercation comique avec un garçon qu'il baptise Pard, Santa Fe frappe accidentellement un épicier local, et Fraser les met tous les deux en prison.


Format de la copie : copie 35 mm

Provenance de la copie : Národni filmový archiv


Universal présente The Fox comme un incroyable « super western », avec une « atmosphère parfaite », « une excellente histoire » et des « situations palpitantes ». « Conviendra aux jeunes et aux moins jeunes », s'exclame un critique de la presse spécialisée : « Ce sont les vieux "Broncho" et "K-B" [la marque "Kay-Bee" d’il y a dix ans, des producteurs Kessel et Baumann] remis au goût du jour. » 

Sous l'apparence d'un clochard, Santa Fe débarque dans « une petite ville perdue au milieu du désert », juste au moment où un juge reproche au shérif Fraser de ne pas en faire assez pour lutter contre le « gang des Painted Cliffs ». Après une altercation comique avec un garçon qu'il baptise bientôt « Pard », Santa Fe frappe accidentellement un épicier local, et Fraser les met tous les deux en prison. Puis il s’adoucit et tente de trouver un emploi à Santa Fe : d'abord à la Caliente Bank, où ce dernier entend le président, Coulter, admettre un déficit dans les comptes, puis dans ce qui passe pour un restaurant, où lui, Black Mike et deux autres membres du gang se battent et détruisent presque l'endroit. Coulter décide alors de faire accuser le caissier de la banque, Farwell, et demande au gang de le kidnapper et de le séquestrer dans leur repaire des Painted Cliffs. Pendant que Pard reste avec Annette, la fille du shérif, Santa Fe suit Fraser, parti à la recherche de Farwell dans une tempête de sable. Après que Fraser a été blessé et renvoyé en ville, Santa Fe continue à avancer, escalade les falaises, puis trouve et sauve Farwell. Vers la fin du film, deux rebondissements surprenants (dont l'un révèle la raison du titre) conduisent Santa Fe, Fraser, un groupe de cavaliers et de nombreux autres cavaliers jusqu'aux Painted Cliffs, où ils affrontent longuement le gang. Après la capture des bandits, Santa Fe coince Coulter avant qu'il ne puisse s'enfuir, et tout se termine comme il se doit, c’est-à-dire bien, pour Santa Fe, Pard, Farwell, Fraser, Annette et sa sœur Stella.

La « petite ville » du film n'est guère plus qu'une simple rue en terre battue encadrée par une série de bâtiments comprenant non seulement la banque, le bureau du shérif et le « restaurant », mais aussi, étrangement, la salle de lecture d’une « bibliothèque », où Black Mike et ses compagnons ivres sèment encore le désordre. Dans les trois dernières bobines, The Fox utilise à merveille les paysages arides et les formations rocheuses complexes du désert de Mojave. Le film met également en scène une cascade familière : Fraser et son cheval dévalant une longue pente abrupte, ce qui lui vaut de se tordre l'épaule. L’action « moderne » des westerns est symbolisée par la présence d'une automobile pour Coulter et de plusieurs mitrailleuses pour les deux camps lors de la bataille culminante. Ces armes placent l'histoire quelque temps après la Grande Guerre et, avec l'un des rebondissements de l'intrigue, lui donnent un côté patriotique, en concluant sur l'avenir présumé de Pard dans une école militaire. Comme les précédents westerns de Carey, The Fox minimise la romance impliquant Annette, et met continuellement en avant les amitiés de Santa Fe avec Pard et Fraser et ses confrontations avec Coulter, Black Mike et le reste du gang des Painted Cliffs.

Après le tournage de The Fox a lieu une tragédie inattendue. L'enfant acteur Breezy Eason Jr (Pard) est renversé par une voiture et meurt, apparemment dans les bras de Carey, qui aurait été le premier à l'atteindre.

- Richard Abel


précédé de 


The Heart of a Bandit

1915 - 15min

États-Unis


Production : Biograph

Avec : Harry Carey, Violet Reid, Charles H. West

Un vieil homme obèse, à qui « Texas Pete » a arraché un portefeuille volumineux lors d’un cambriolage, offre plus tard avec colère une récompense de 1 000 dollars pour l'arrestation du bandit, mort ou vif.


Format de la copie : 35mm

Provenance de la copie : Library of Congress


Le plus ancien western avec Harry Carey qui a été conservé, The Heart of a Bandit doit également être l'un des derniers films que Carey a tournés pour Biograph avant de signer avec Universal. La copie existante provient toutefois d'Awyon Pictures, apparemment avec de nouveaux intertitres, sortie en tant que réédition au cours des années 1919-1920. Awyon distribua principalement des westerns et des feuilletons tout au long des années 1920.

Si, comme l'a fait remarquer un exploitant, le film rappelle d'innombrables westerns antérieurs, il contient aussi beaucoup d'action. Il permet également à Carey de se familiariser avec le rôle d'un « antihéros » semblable à Broncho Billy. Les personnages du film comprennent « Texas Pete » (Carey), les passagers d'une diligence qu'il vole sur un coup de tête, un shérif et une troupe qui le poursuivent, la famille Johnson (mari, femme et petite fille), des colons du « Far West », et un Mexicain ou « métis » nommé Mendoza, qui s'en prend à deux reprises à la femme de Johnson. Un vieil homme obèse, à qui Pete a arraché un portefeuille volumineux lors du cambriolage, offre plus tard avec colère une récompense de 1 000 dollars pour l'arrestation du bandit, mort ou vif. Pete fait en sorte que ses poursuivants prennent en chasse son cheval, puis se réfugie dans la grange des Johnson. La deuxième fois que Mendoza vient s’en prendre à eux, il prend la fille en otage et recule dans la grange, suivi par sa mère désespérée. Lorsque Johnson rentre chez lui après avoir installé une clôture, il ramasse le fusil abandonné par sa femme et l'entend se débattre avec Mendoza. Caché dans la paille, Pete tire alors sur Mendoza, mais Johnson fait également feu, touchant Pete. Sa femme lui explique alors que le bandit leur a sauvé la vie à toutes les deux, et ils le transportent dans leur maison. Trouvant le fusil et Mendoza morts, le shérif arrête Johnson, mais dans une confession de dernière minute, Pete se transforme en Robin des Bois, faisant preuve, dans son sacrifice, d'une générosité inattendue.

Le film se déroule dans un paysage plat et poussiéreux, quelque part dans le Sud-Ouest, et met donc en scène un Mexicain ou « métis » qui a l'intention de violer une femme blanche. Un moment révèle très tôt le « bon cœur » du bandit joué par Carey : après avoir dérobé la « chaîne en or » d'une vieille femme pendant le vol, il la lui rend en guise de « cadeau ». Comme une insulte supplémentaire à l'homme riche volé, à la fin, le « bon cœur » de Pete refait surface. La cinématographie du film se distingue particulièrement par un plan extrêmement long de la troupe à sa poursuite, cadré dans l'ombre d'un canyon étroit et profond que Carey a trouvé dans la vallée de Santa Clarita, où il possédera bientôt un petit ranch dans le canyon de San Francisquito, près de Newhall. Ce paysage remarquable reviendra dans plusieurs westerns ultérieurs d’Harry Carey.

- Richard Abel


Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).


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