Skip to content

FONDATION JÉRÔME SEYDOUX-PATHÉ

  • Accueil 
  •   > Agenda
  •   > "Rêves de clowns", René Hervouin et Blanche Vigier de Maisonneuve (51min)

Séance

"Rêves de clowns", René Hervouin et Blanche Vigier de Maisonneuve (51min)



La séance du 4 novembre est présentée par Jay Weissberg, Directeur des Giornate del Cinema Muto.



Rêves de clowns

1924 - 51min

France


Réalisation : René Hervouin et Blanche Vigier de Maisonneuve

Scénario : René Hervouin

Photographie : Georges Asselin, André Raymond

Production : Minerve Film Production

Avec : Les Fratellini, Georges Melchior, Yane Odoni, Mlle. Marguett, Le petit Roger

Des clowns tentent désespérément de divertir Dolorès Braga, la seule personne du public à ne prendre aucun plaisir à leurs pitreries.


Format de la copie : 35mm

Provenance de la copie : CNC

Mention de restauration : Restauration analogique d’après une copie issue de la collection de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé


JEUNE PUBLIC, à partir de 8 ans


Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).


La pureté comique des numéros de clowns sur les pistes de cirque à l’époque du muet était rarement capturée dans son intégralité et, comme l’observe Ulrich Ruedel, se traduisait rarement sur grand écran. C’est compréhensible : dans les années 1920, un numéro de clown pouvait durer jusqu'à 45 minutes et dépendait fortement de l'interaction du public. Rêves de Clowns est le seul long métrage connu mettant en vedette le célèbre trio de clowns Fratellini et constitue un précieux témoignage historique à leur sujet, alors qu’ils étaient l'apogée de leur carrière. Tourné dans le célèbre Cirque d'Hiver à Paris, il présente la performance des trois frères, Albert, Paul et François ; leurs numéros occupent une grande partie du temps de tournage du film.

L’intrigue tourne autour des tentatives des clowns pour divertir Dolorès Braga (Yane Odoni), la seule personne du public à ne prendre aucun plaisir à leurs pitreries ; elle quitte son siège à mi-parcours du spectacle. De retour dans les coulisses de leur loge (une réplique complète de leur salle de cirque originale a été créée pour le film), les frères discutent avec découragement de leur incapacité à amuser la femme désespérée. Tombés dans un profond sommeil, ils entrent dans un environnement exotique et fantastique, où ils retrouvent Dolorès et renouvellent leurs tentatives pour la faire rire. Tous leurs efforts échouent, malgré la gamme de routines éblouissantes, de contorsions farfelues et de scénarios ridicules que les frères exécutent dans un décor fantastique. Ils se réveillent à temps pour la seconde moitié du spectacle de cirque. Alors qu’ils entrent sur le ring, la caméra se concentre à nouveau sur la beauté découragée, qui est retournée à sa place, avant de se diriger vers un aérodrome en dehors de Paris. Nous assistons alors au retour du célèbre aviateur Georges Maraval (Georges Melchior) d'un vol record. Arrivant rapidement au Cirque d’Hiver, Maraval entre sur le ring et tombe dans les bras de Dolorès. Il devient immédiatement clair que la raison de sa tristesse était l’inquiétude concernant le retour de son amant, et non une aversion pour l’acte des frères. La foule applaudit le retour sain et sauf du célèbre aviateur, les amoureux sont réunis et la représentation du trio Fratellini reprend avec un grand succès.

Le film a reçu un mépris critique quasi unanime dans la presse généraliste française. Jean Chataigner, écrivant dans Le Journal (21/11/1924), remarque : « Je ne sais quel maladroit – qui mériterait pour sa punition d’être nommé – s’est servi pour les desservir du talent des Fratellini. Heureusement, les rois du cirque sortiront indemnes de cette fâcheuse et déplorable aventure ». Le critique du Petit Journal (05/12/1924) est encore plus direct, suggérant que « le scénario du film n'a été imaginé que pour servir de prétexte à une exhibition des Fratellini, les célèbres clowns qui sont, si vite, devenus les favoris des Parisiens ».

En effet, le mérite durable du film est qu’il constitue une vitrine pour Albert (1885-1961), Paul (1877-1940) et François (1879-1951) en train de jouer le Trio Fratellini à leur apogée. Reconnu comme le premier trio de l'histoire du clown, après la mort de leur frère Louis en 1909, ils reprennent les composantes traditionnelles du duo clown blanc/clown rouge et y ajoutent le personnage du notaire, un « contre-auguste » enrichi. Rêves de Clowns se caractérise par une représentation exacte de leur numéro de cirque : François dans le rôle du clown français élégant et classique à visage blanc, Albert dans le rôle du clochard « idiot d'Auguste » (Dummer August) – le « clown rouge » au pantalon trop large – et Paul, qui crée une interaction dynamique entre les deux personnages traditionnels et participe aux échanges entre ses frères.

Paul est décrit comme « l'Auguste des Augustes » ; il porte peu de maquillage, mais arbore toujours un haut-de-forme et un monocle. Albert crée un maquillage grotesque épuré, avec de hauts sourcils noirs, une bouche exagérée et un nez rouge bulbeux, et ne sourit jamais. François perfectionne l'élégance du traditionnel « clown blanc », avec son costume à paillettes (« sac de clown ») et sa casquette blanche. Après une éducation itinérante entre la Russie et la France, les frères, d'origine italienne, se produisent d'abord sous le nom du Trio Fratellini avec le Circus Busch à Berlin, puis travaillent en Russie, au Portugal et en Espagne avant de revenir en France en 1914. Ils deviennent les vedettes du Cirque Medrano à Paris, et sont fêtés par la société intellectuelle française. Jean Cocteau écrivit pour eux le scénario du ballet pantomime surréaliste Le Bœuf sur le toit (1920), et la musique de Darius Milhaud comprenant son célèbre « Le Tango des Fratellini », tandis que le journaliste Pierre Mariel écrivait un traité sur leurs routines innovantes en 1923 (Les Fratellini. Histoire de trois clowns).

Après avoir signé un contrat de dix ans avec le statut de directeur artistique du Cirque d'Hiver, nouvellement ouvert en 1924, ils tournent Rêves de Clowns, à bien des égards une publicité prolongée pour l'ouverture de la saison dans leur nouveau foyer. Le trio était des clowns musicaux, et des éléments de leur dextérité musicale et instrumentale sont apparents dans les séquences finales du film. Ils jouaient toujours des entrées et n'apparaissaient jamais comme remplisseurs ou poursuivants entre les actes. En fait, dans le film, c'est l'acteur Georges Melchior (1899-1944) qui apparaît fugacement, malgré son catalogue de plus de 67 films entre 1911 et 1937, agissant, selon le vocabulaire du cirque, comme poursuivant ou remplisseur entre les vraies stars, les Fratellini. Cet aspect est également noté par le critique du Petit Journal, qui observe ainsi : « M. G. Melchior a un rôle bien peu important dans ce film qui aura du moins le mérite de donner à certains amis du Cinéma le désir d'aller applaudir les Fratellini dans leur véritable domaine, c'est-à-dire au cirque ». Une photo de tournage d'une valeur exceptionnelle publiée dans Cinémagazine (18 juillet 1924) montre les acteurs et l'équipe, dont la plupart sont identifiés, à l'exception, de manière frustrante, des deux interprètes noirs, qui semblent remarquablement modernes dans leur apparence et leurs attitudes.

Albert Fratellini, dans son autobiographie Nous, les Fratellini (1955), décrit l'histoire du film comme « longue et mélodramatique ». Il reconnaît en revanche que son importance réside dans le fait qu'il s'agit du « seul document filmé qui existe sur nous et qui met en scène, au sommet de leur carrière, l'acte de Paul, François et Albert Fratellini ». Il conclut en espérant qu'à l'avenir « les gens reverront ce film de temps en temps sur l'écran, lorsque les Trois Fratellini ne seront plus que des figures de légende ».

– Vanessa Toulmin


Les deux réalisateurs reconnus, René Hervouin (1895-1957) et Blanche Vigier de Maisonneuve (dates inconnues), semblent avoir débuté leur carrière cinématographique en tant que critiques pour Le Courrier Cinématographique – la signature de Hervouin apparaît pour la première fois en 1920, et celle de Vigier de Maisonneuve seulement brièvement entre août et novembre 1922. Hervouin rejoint plus tard Hebdo-Film et lance en 1922 une nouvelle revue cinématographique, Lumière, qu'il vend en octobre 1923 à Vigier de Maisonneuve, tout en conservant son poste de rédacteur en chef (elle deviendra peu après La Revue cinématographique, puis intégrée à Cinémagazine). Il semble que la société de production Minerve-Films, créée spécifiquement pour Rêves de Clowns, appartenait à Vigier de Maisonneuve, mais malheureusement, on perd sa trace après 1924. Peu de temps après la sortie du film, Hervouin devient chef de presse du bureau français de Paramount, tout en continuant à écrire pour des publications cinématographiques ; dans les années 1930, il développa une carrière réussie de réalisateur de documentaires.

– Jay Weissberg



-